Les forces de sécurité africaines opèrent dans des environnements de menace de plus en plus complexes. « La technologie est essentielle », a lancé Dr. Nate Allen, professeur adjoint au Centre d’études stratégiques de l’Afrique, en ouverture d’une session dédiée à l’ISR numérique. Il a posé le cadre : les drones, les engins explosifs improvisés et les réseaux sociaux « ont été rapidement adaptés par les groupes terroristes », mais l’objectif est de « changer le récit » en montrant comment les outils numériques donnent un avantage stratégique aux États.
Depuis Washington, Amanda Doré a rappelé que le Centre, créé par le Congrès américain il y a plus de vingt-cinq ans, conduit des programmes et publie des analyses sur les défis sécuritaires du continent. « Nous catalysons des solutions stratégiques via le dialogue et l’apprentissage entre pairs », a-t‑elle indiqué, invitant les participants à consulter les lectures et biographies liées au programme « Defense Tech & Terrorism in Africa ».
Le fil conducteur de la discussion : l’essor des capacités numériques de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. « Le monde est plein de données ; elles s’intègrent désormais aux outils et pratiques des forces de défense », a insisté Dr. Allen, en précisant que l’OSINT et la veille des réseaux sociaux contribuent déjà à l’identification et l’interception, même si « la menace perdure » avec des groupes qui « se montrent adeptes » des mêmes technologies.
Le général de division Abouakar Adamou, retraité des forces armées nigérianes, a détaillé une approche collaborative. « Là où une agence n’a pas l’outil, nous créons la coopération avec celle qui l’a », a‑t‑il expliqué. Il a décrit des usages mêlant prédiction, analyse d’images et métadonnées : « Nous analysons l’activité en ligne sur des plateformes comme Facebook et exploitons des outils spécialisés pour comprendre les discussions, y compris sur le web obscur, afin de contrer propagande et recrutement. » Il a souligné les freins opérationnels : « L’infrastructure et la gestion de la chaîne d’approvisionnement restent des défis ; il faut les rendre plus fiables et renforcer l’appropriation locale. »
Interrogé sur les enseignements transférables, le général a plaidé pour des fondations politiques et techniques solides. « La technologie est disponible à tous », a‑t‑il prévenu, appelant les gouvernements africains à « prioriser l’ISR », à bâtir des cadres de partage de renseignement et à « renforcer la collaboration régionale ». Il a rappelé l’existence d’une stratégie nationale de cybersécurité au Nigeria et l’importance de « continuer en coopération avec les pays voisins ».
Du côté des solutions de terrain, Vanevar Labs, représenté par Matt Petit, met l’accent sur l’intégration aux besoins des utilisateurs. « Nous travaillons avec les équipes de mission pour qu’elles aient exactement les outils nécessaires », a‑t‑il déclaré, expliquant comment l’agrégation de flux ouverts et l’usage d’agents d’IA accélèrent interprétation et diffusion des informations. « L’OSINT numérique donne une base pour comprendre tactiques et stratégies adverses, aiguise l’ISR traditionnel et réduit coûts et délais de ciblage », a‑t‑il ajouté, tout en avertissant : « Les agents ne remplacent pas le jugement humain ; il faut valider et utiliser de manière responsable. »
Matt Petit a insisté sur la coordination interagences et transfrontalière. « Quatre États peuvent être concernés par une même menace ; ils doivent partager méthodes et informations pour anticiper d’où viendront les adversaires », a‑t‑il observé. Pour lui, l’investissement va au‑delà des capteurs : « Il faut des structures pour former, adapter la technologie au contexte local et bâtir des pipelines d’analyse en temps réel. C’est le bon moment pour un effort d’éducation et de montée en compétences aligné sur l’infrastructure de chaque pays. »
Dr. Allen a recentré le débat sur l’architecture des systèmes. « Il ne s’agit pas seulement de déployer des technologies », a‑t‑il noté ; « ce sont les processus, les règles de gestion des données et la manière dont les systèmes se parlent qui font la différence. » L’ISR numérique en Afrique progresse, mais son impact dépend de l’alliage entre capacité technique, gouvernance de l’information et coopération régionale — trois conditions qu’ont illustrées, par leurs expériences, un militaire chevronné et un praticien de l’innovation appliquée.