Abdallah Saaf alerte sur le déclin du politique au profit des logiques économiques opportunistes

Written on 22 septembre 2025
Le Mag


Intervenant samedi à Bouznika lors d’une rencontre organisée par la jeunesse du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdallah Saaf, ancien ministre et président du Centre d’études et de recherches en sciences sociales, a dressé un constat sévère de l’état de la vie politique au Maroc. Selon lui, la période actuelle se caractérise par un « minimum de politique » et une domination croissante du « business », où les opportunités économiques semblent désormais tracer l’avenir des acteurs politiques.  

Saaf estime que les grands chantiers nationaux – énergies renouvelables, ports, infrastructures sportives – sont devenus les véritables moteurs ayant un impact sur la scène publique, reléguant les programmes politiques locaux au second plan face à l’influence de plus en plus marquée des acteurs internationaux. Ce déplacement des priorités a contribué, selon lui, à fragiliser le rôle des partis et à alimenter à la fois le désenchantement citoyen et le sentiment d’une « dégradation » de la vie politique.  

S’agissant de la composition du champ politique, le chercheur a relevé une fragmentation croissante : d’un côté, les survivants de la vieille garde issue du mouvement national voient leur poids s’éroder ; de l’autre, les hommes d’affaires confortent leur présence. Mais l’époque actuelle, explique-t-il, est aussi marquée par l’ascension d’une nouvelle catégorie dominée par les « opportunités » (ou *hemzat*) et les logiques clientélistes. À cela s’ajoute une génération issue de la culture numérique, vaste mais dispersée et peu structurée.  

Pour Saaf, le système politique semble atteint d’une forme de désorientation : « plus rien n’unifie le débat public », déplore-t-il, en soulignant un repli vers des projets symboliques tels que l’organisation de la Coupe du monde 2030, présentée comme un horizon unique, voire comme l’équivalent d’un projet de société national. Il met en garde contre la tendance à limiter les ambitions et les stratégies du pays à cette échéance sportive.  

L’ancien ministre appelle à une réhabilitation du travail politique en redonnant aux acteurs institutionnels leur dignité et leur rôle central. Il insiste sur le fait que la force de l’État ne doit pas être instrumentalisée pour écarter d’autres composantes, et conclut en posant une question provocatrice : « L’histoire du Maroc doit-il vraiment se terminer en 2030, avec la Coupe du monde ? »