Libération de Boualem Sansal : la victoire du Maroc et le revers algérien analysés par Pascal Bruckner

Written on 15 novembre 2025
Le Mag


La récente libération de Boualem Sansal, retenu durant une année dans une prison algérienne, a suscité une onde d’émotion et de débats sur la scène francophone et internationale. Pour Pascal Bruckner, intellectuel engagé, cette libération n’est pas simplement le triomphe de l’humanité sur la raison d’État, mais avant tout le résultat d’un rapport de force où l’Algérie s’est retrouvée isolée et affaiblie. L’écrivain pointe le rôle crucial des évolutions diplomatiques autour du Sahara occidental : désavouée par ses alliés habituels à l’ONU, en particulier la Russie et la Chine, l’Algérie a multiplié les revers dans un contexte où la pression américaine plaidait en faveur de la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur la région disputée.

Pour Bruckner, le soutien du président allemand à la libération de Sansal cache un geste diplomatique visant à préserver la face des différents acteurs. À ses yeux, Paris s’est montré trop réservé dans cette affaire, choisissant la voix feutrée de la diplomatie là où d’autres auraient préféré l’affrontement public. Mais la médiation allemande a été décisive : une intervention discrète, un « tiers de confiance » assurant la sortie du romancier tout en limitant les pertes d'image du régime algérien comme du gouvernement français.

Ce dénouement ne doit pas faire oublier les réalités d’un régime algérien autoritaire, selon Bruckner, qui évoque la répression, l’antisémitisme institutionnel, et l’obsession du pouvoir à préserver un récit national forgé dans l’ombre de la colonisation. Il rappelle aussi le risque auquel s’exposent les voyageurs et les intellectuels dans ce contexte, là où la France, malgré ses propres lacunes, demeure une terre d’asile et de droits.

La libération de Boualem Sansal apparaît donc à la fois comme le revers d’un régime à bout de souffle et la victoire indirecte du Maroc, fort de son ouverture relative et de ses succès diplomatiques. Pour l’écrivain, cette affaire illustre l’importance de concilier fermeté et négociation intelligente dans les relations franco-algériennes, tout en soulignant l’évolution des équilibres au Maghreb, où le Maroc tire parti de l’isolement croissant de son voisin. Sansal, enfin libre, pourra continuer à porter sa voix de dissident, tandis que ses soutiens espèrent voir émerger des relations apaisées, transparentes et ouvertes entre la France, l’Algérie et le Maroc.