CAN 2025: pour Pierre Vermeren, le Maroc mise sur le football pour doper son influence et la cohésion sociale

Rédigé le 20/12/2025
Le Mag

Le Maroc fait du sport un langage commun tourné vers l’intérieur et l’extérieur. « Le sport, ça parle à la fois aux Marocains et au monde », explique Pierre Vermeren, interrogé par RFI. Selon lui, le football est « devenu vraiment quelque chose d’essentiel » et un puissant ressort d’adhésion « qui fait vibrer la corde nationale de manière pacifique » tout en améliorant l’image du pays.



Cette stratégie s’appuie sur des investissements visibles. Vermeren cite « la création de grands stades, notamment le très grand stade construit à Rabat selon les standards internationaux », un effort coûteux qui requiert « que tous les moyens de l’État et des grandes entreprises se mettent en ligne ». Il souligne que le nationalisme « trouve là un moyen de s’exprimer de manière consensuelle » et que des résultats sportifs « atteignent des degrés d’adhésion considérables ».

Le projet est également domestique: « Il y a une volonté avant tout de développer le football au niveau national », avec l’appui de structures comme l’Académie Mohammed VI. Vermeren insiste sur la construction d’une équipe nationale — incluant « une stratégie de recrutement des joueurs de la diaspora » — et sur l’essor d’un championnat qui canalise « le rêve footballistique » de la jeunesse, à condition d’assurer « beaucoup de rigueur, d’organisation et de prise en charge » par les associations, les lycées et l’armée.

La dimension internationale n’est pas absente. Rappelant le « retour du Maroc dans l’Union africaine en 2017 » et « l’offensive de ses banques en Afrique de l’Ouest et centrale », Vermeren décrit un pays en expansion, malgré des « complémentarités industrielles » parfois limitées et la pression de la Chine. Sur le dossier du Sahara, il affirme qu’« un avis du Conseil de sécurité de l’ONU fin novembre » a « plutôt donné raison au Maroc ». 

Le pari sportif sert aussi de vitrine organisationnelle. Accueillir de grandes compétitions « montre un pays capable d’assurer transport, logement, nourriture, dans une ambiance de sécurité et de joie de vivre », dit Vermeren, qui y voit une exigence « de développement et de construction de la société ». L’objectif, ajoute-t-il, est de prouver que le Maroc est « à un haut niveau de développement » et apte à tenir des événements que « longtemps, les organisations internationales » jugeaient hors de portée.

Ce volontarisme ne résout pas tout. Vermeren prévient que le sport « ne suffira pas » à lui seul à « réduire les inégalités », quoique « ça va donner du travail, de l’espoir, structurer certains secteurs ». Interrogé sur une phrase attribuée au roi Mohammed VI en 2022 — le football comme « levier de réussite et de développement humain durable » — il rappelle que l’enjeu politique et social demeure « supérieur »: promouvoir « un Maroc qui gagne », sans éluder les demandes de santé et d’emploi portées par la jeunesse.